Le parquet de Kiev a demandé ce lundi 17 janvier l'arrestation de l'ancien président Petro Porochenko, soupçonné de « haute trahison », ou de lui imposer une caution d'environ 30 millions d'euros. Une affaire qui risque de provoquer une crise politique intérieure, en pleines tensions géopolitiques avec la Russie.
Alors que la menace russe continue à ses frontières, l’Ukraine a de nouveau plongé dans un psychodrame politico-judiciaire, dont elle a le secret.
Le milliardaire de 56 ans Petro Porochenko, ancien chef de l'État, est retourné en Ukraine dans la matinée, après un mois d'absence, malgré la menace d'une arrestation. Accueilli par des milliers de ses partisans rassemblés devant l'aéroport, il s'est aussitôt rendu dans un tribunal de la capitale devant décider de son éventuel placement en détention.
La prison ou des millions en caution
Dans l’après-midi, le procureur a requis deux mois d’emprisonnement, ou bien une assignation à domicile, assortie d’une interdiction de voyager, ainsi qu’un bracelet électronique, en échange d’une caution de 31 millions d’euros. Le délibéré a été reporté à mercredi 19 janvier.
La haine que se vouent Volodymyr Zelensky et Petro Porochenko est de notoriété publique en Ukraine, depuis l’élection de 2019. L’ancien président qualifie le nouveau de dirigeant autoritaire, tandis que Volodymyr Zelensky, ou tout du moins son entourage, semble décidé à se venger de Petro Porochenko, en mettant le parquet ses trousses.
Dans les faits, les autorités le soupçonnent d'avoir entretenu, pendant sa présidence, des liens commerciaux avec des séparatistes pro-russes de l'Est, ce qui constituerait un acte de « haute trahison », crime passible de jusqu'à 15 ans de prison. Petro Porochenko pourrait avoir négocié des accords d’achat de charbon avec les séparatistes pro-russes en 2015. Porochenko accuse, lui, son successeur d'avoir ordonné les poursuites contre lui pour « détourner l'attention » des problèmes réels du pays et ternir l'image de son rival.
Un système judiciaire politisé
Dans un système normal, ce serait à la justice de statuer. Le problème est qu’aucun des deux présidents n’a créé les conditions pour une indépendance du système judiciaire, une des principales revendications des Ukrainiens depuis des années, analyse notre correspondant à Kiev, Stéphane Siohan.
Résultat, une nouvelle fois, les dirigeants ukrainiens veulent neutraliser leurs prédécesseurs ou leurs opposants, en instrumentalisant les tribunaux. Une situation qui rappelle fortement la condamnation à sept ans de prison de l’ancienne Première ministre Ioulia Timochenko, il y a dix ans, lors de l’ère Ianoukovitch.
Ce bras de fer intervient au moment où l'Ukraine craint d'être envahie par la Russie voisine qui masse depuis des mois des troupes à ses frontières. Moscou nie tout projet d'offensive militaire, mais réclame, sous peine de représailles, qu'Américains et Européens s'engagent à ne jamais accepter l'Ukraine au sein de l'Otan. Une revendication jusqu'ici rejetée.
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