jeudi 15 juillet 2021

Merkel aux États-Unis: «L'Allemagne doit toujours donner des garanties pour s’assurer de l’amitié américaine»

 C'est le début des adieux à l'international d'Angela Merkel. La chancelière allemande est reçue ce jeudi par Joe Biden. Le président américain n'a accueilli que deux dirigeants étrangers à la Maison Blanche depuis son entrée en fonction : le Japonais, Yoshihide Suga et le Sud-Coréen, Moon Jae-in, les alliés asiatiques des États-Unis. À l'heure d'accueillir un partenaire européen, honneur à l’Allemagne, l’allié traditionnel, même si la vieille alliance est émaillée de désaccords.  


Paul Maurice : En accueillant Angela Merkel, Joe Biden veut sûrement montrer qu’il souhaite s’appuyer sur l’Allemagne pour sa stratégie européenne. Emmanuel Macron avait donné des signes envers Joe Biden, il aurait peut-être souhaité être la porte d’entrée des États-Unis en Europe, mais finalement c’est l’allié traditionnel, atlantiste depuis sa création du temps de la République fédérale d’Allemagne, qui a été choisi par les États-Unis. D'une certaine manière, c’est assez logique puisque par là même, Joe Biden donne le coup d'envoi de la tournée d’adieu d’Angela Merkel, qui va probablement visiter les capitales européennes avant de quitter le pouvoir à l’automne prochain.


Le lien Washington-Berlin a connu des turbulences sous l’ère Trump. La période Trump a-t-elle laissé des séquelles ou bien la relation est-elle désormais apaisée ?

Les turbulences avaient en fait commencé sous Obama. Dans le cadre d’une redéfinition de la stratégie américaine, les États-Unis s’étaient détournés en partie de l’Europe pour se recentrer vers l’Asie. Les Allemands en avaient en partie fait les frais, avec, on peut le rappeler l'épisode très symbolique de l’écoute du téléphone portable d’Angela Merkel. Ces évolutions ce sont effectivement renforcées sous la période Trump, notamment par la décision de retirer une partie des troupes américaines stationnées en Allemagne. Geste qui avait provoqué beaucoup d’émoi dans la classe politique dirigeante allemande qui compte sur le soutien américain pour sa défense. Les signaux envoyés par Joe Biden, notamment le fait d'annuler le retrait militaire, ont laissé penser qu’on revenait à un état de lune de miel entre l’Allemagne et les États-Unis, mais il y a des difficultés qui préexistaient et qui vont persister même s’il y a des signes forts de la part des États-Unis notamment la levée des sanctions sur le gazoduc Nord Stream 2 [qui doit acheminer le gaz russe vers l’Allemagne en contournant l’Ukraine, NDLR]. Mais tout se paie à un moment et il est possible que la contrepartie soit conséquente pour l’Allemagne.

Quelle pourrait être la contrepartie ?

Ce ne sont que des hypothèses, mais on peut envisager plusieurs pistes. Des négociations pour que l’Allemagne continue de soutenir l’Ukraine, ce qui constituerait aussi un message à destination des partenaires européens que sont la Pologne et les pays baltes, qui voient la Russie comme un adversaire et une menace. La contrepartie pourrait aussi concerner les négociations commerciales entre l’Allemagne, l’Europe et la Chine, puisque la stratégie chinoise de Joe Biden ne correspond pas forcément à la stratégie allemande ou européenne. Il pourrait également être question de renforcer les liens commerciaux transatlantiques, la transition énergétique, les produits énergétiques américains envoyés vers l’Europe. Il faudra aussi regarder comment est abordée la question de la défense et dans quelle mesure les Allemands seront sollicités par l’allié américain pour participer davantage, dans le cadre de l’OTAN, aux opérations extérieures.

Le prochain départ d’Angela Merkel est-il source d'incertitude pour l'allié américain ? 

Effectivement, et cette invitation est peut-être, avant cette transition, une manière de sonder l’Allemagne, de montrer que même si l’Allemagne va bientôt changer de dirigeant, le pays en soi, la classe politique dans son ensemble, reste un allié fidèle. Quand le nouveau gouvernement sera en place en Allemagne, il faudra observer comment il se positionnera vis-à-vis des États-Unis, d’une manière générale, et de l’administration Biden de manière plus particulière. Mais le fait est qu'actuellement aucun parti politique qui peut prétendre rationnellement à la chancellerie ou au gouvernement n’est dans une logique de défiance vis-à-vis des États-Unis. Le lien transatlantique, l’attachement atlantiste est très fort, dans la plupart des partis politiques allemands. 

À propos du Gazoduc Nord Stream 2, Angela Merkel a reçu en tout début de semaine Volodymyr Zelensky, le Premier ministre ukrainien. Elle a assuré que l’Ukraine resterait un pays de transit pour le gaz russe. Cet engagement à destination du Premier ministre ukrainien était-il également adressé aux Américains ? 

Oui, et c’est un changement de logique et de discours de la part d’Angela Merkel, qui avait déclaré lors de la conférence de sécurité de Munich, qu’une molécule de gaz russe, restait une molécule de gaz russe, qu’elle passe par la mer baltique ou par l’Ukraine. Donc c’est aussi un engagement vis-à-vis des États-Unis qui se sont engagés pour garantir à l'Ukraine, cette ressource financière importante que représente le transit du gaz russe. On voit peut-être déjà les premiers signes de la négociation qui a dû se tenir entre les États-Unis et l’Allemagne, avec le maintien des troupes américaines, le soutien des États-Unis et la levée des sanctions contre les entreprise.

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