Avec l’invasion russe, les images d’Africains vivant en Ukraine empêchés de fuir les combats et refoulés aux frontières est-européennes se sont multipliées. Indignée, la presse africaine ne décolère pas, à l’instar du quotidien burkinabé Aujourd’hui au Faso.
Les images sont choquantes, les témoignages effarants et révoltants. Plusieurs Africains fuyant les combats en Ukraine sont maltraités et empêchés d’embarquer dans les bus et les trains censés conduire les civils aux frontières. Pis, les plus chanceux qui ont pu gagner la frontière avec la Pologne se sont vu opposer une fin de non-recevoir.
Pas de passage, donc, pour les Noirs. C’est le sort réservé aux Africains par la police et les gardes-frontières, tandis que les autres bénéficient de plus d’égards. La situation a d’ores et déjà fait l’objet d’une déclaration de l’Union africaine (UA), qui a dénoncé les mauvais traitements infligés aux Africains qui tentent de quitter l’Ukraine.
L’UA s’est dite “particulièrement préoccupée” concernant les Africains qui “se verraient refuser le droit de traverser la frontière hors de l’Ukraine”.
Macky Sall, président du Sénégal et de l’UA, ainsi que Moussa Faki Mahamat, président de la Commission [de l’Union africaine], rappellent ensemble que “toute personne a le droit de franchir les frontières pendant un conflit et [doit] bénéficier des mêmes droits, quelle que soit sa nationalité ou son identité raciale”.
Face à l’indicible, l’UA ne mâche pas ses mots et a même franchi le pas en s’offusquant de “traitements différents inacceptables, choquants et racistes, qui violeraient le droit international”. Avant cette sortie, le Nigeria avait pris les devants en réclamant que “tout le monde soit traité avec dignité et sans traitement de faveur”.
Dans cette Ukraine en guerre, bombardée par l’armée russe, il existe toujours des supercitoyens et d’autres de seconde zone. Venant de pays dits “civilisés”, cette attitude révolte et suscite des interrogations.
Condamnations à géométrie variable
Si on assiste à une condamnation généralisée de l’invasion russe – le président Vladimir Poutine, qui a lancé cette offensive, fait l’objet de vives critiques de la part des Occidentaux –, il est surprenant que ces mêmes “défenseurs” de la liberté et de la justice montrent très peu d’égards vis-à-vis des Africains qui essaient de se mettre à l’abri des bombes.
Cette ségrégation est une injure et montre que les vieilles habitudes ont la peau dure. L’Europe, et surtout l’Europe de l’Est, reste un espace dangereux pour nombre d’Africains, qui subissent, tout au long de leur séjour, les quolibets et les pires formes d’humiliation de la part d’Européens pourtant enclins à donner de la voix quand ils sont touchés.
Quelle différence existe-t-il entre “l’envahisseur russe” qualifié de prédateur de la liberté et les auteurs du blocus contre les Noirs ? Une vie n’est-elle pas égale à une autre, pour qu’on abandonne ces Africains à leur sort dans ce pays en guerre depuis l’aube du jeudi 24 février 2022 ? Pourquoi, jusqu’ici, aucune nation occidentale n’a-t-elle interpellé la Pologne et la police ukrainienne sur ces actes ?
C’est tout simplement honteux, et ces actes d’une autre époque reposent la lancinante question des concepts de justice et de liberté, qui s’appliquent encore à géométrie variable et à la couleur de la peau dans ce XXIe siècle.
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