Le quotidien « Libération » a publié, jeudi 2 décembre, un deuxième volet à son enquête sur les dysfonctionnements des instances de l'Union européenne.

« Depuis 20 ans l'Union européenne est dominée de la tête et des épaules par les conservateurs du Parti Populaire (PPE), lui-même dominé par les conservateurs allemands de la CDU-CSU », et c'est ce qui explique les dysfonctionnements graves que l'enquête dénonce à tous les niveaux de l'UE, explique son auteur, le journaliste Jean Quatremer : « Depuis qu'Angela Merkel a été élue à la chancellerie, en 2005, elle a placé ses hommes à tous les niveaux de pouvoir - beaucoup d'Allemands mais aussi des gens de pays proches de l'Allemagne : Finlandais, Néerlandais, Flamands, Autrichiens etc. Ces gens fonctionnent entre eux, vivent dans une bulle et la facilité des moyens qui leurs sont octroyés et de l'utilisation de ces moyens leur fait perdre toute éthique quand à l'utilisation de ce pouvoir. C'est cela que je démonte, c'est un "État" PPE, qui vérole l'Union européenne. »
Réseaux
L'enquête de Libération met au grand jour un réseau de conflits d'intérêts et de trafic d'influence. Un exemple parmi tous ceux rapportés par le quotidien : le cas du commissaire autrichien au Budget. « Johannes Hahn, qui a la haute main sur le budget de l'UE et la nomination des fonctionnaires, a accepté des invitations à participer à des chasses organisées par un lobby de propriétaires terriens. Ce type d'activité doit être déclaré au registre de la transparence, or le commissaire ne l'a pas fait. C'est gravissime, poursuit Jean Quatremer, car ce lobby organise ces réunions, non pas pour le plaisir d'aller chasser, mais pour mettre en contacts des commissaires, des hommes politiques et des dirigeants d'entreprise, et c'est là que se joue le trafic d'influence. »
L'enquête dénonce par ailleurs des abus de bien social comme la location fictive de logements par les membres de la Cour des comptes censés vivre à Luxembourg, siège de l'institution. « Une indemnité de près de 3 500 euros par mois leur est versée, or, j'ai découvert qu'environ un tiers des membres de la Cour des comptes n'habitaient pas à Luxembourg, qu'ils y avaient un domicile fictif et touchaient donc des primes injustifiées. Dans le cas du président de la Cour des comptes, l'Allemand Klaus-Heiner Lehne, j'ai chiffré les sommes détournées à 300 000 euros, vous vous rendez compte ? Et il trouve cela normal et ne s'en est même pas caché devant le Parlement européen ! », s'emporte le journaliste.
« Ménage »
Si les garde-fous « ne fonctionnent pas », explique Jean Quatremer, c'est non seulement parce que le Parlement manque de moyens de contrôle mais parce qu'il est lui même dominé par le PPE : « Qui contrôle la Cour des comptes européenne, censée être la conscience financière de l'Union européenne ? Cela devrait être le Parlement européen, mais il n'a pas ce pouvoir d'investigation. En outre, le Parlement est dominé par les conservateurs du PPE et la Cour des comptes est présidée par un membre du PPE... »
Le journaliste de Libération est conscient et inquiet des répercussions politiques que son enquête peut avoir à court terme : « Il faudrait que le ménage soit fait dans les écuries d'Augias, mais tout le monde se tient par la barbichette à Bruxelles ; pour pouvoir obtenir des décisions, il faut en passer par des accords avec le PPE, présent aux postes de pouvoir de toutes les institutions, et avec les chrétiens-démocrates allemands qui restent une puissance incontournable. Alors on négocie et on ferme les yeux. Ca donne une image déplorable de l'Union européenne et ça ne peut que renforcer l'euroscepticisme. »
Sur les accusations qui visent le président de la Cour des comptes, une nouvelle réunion parlementaire est prévue le 7 décembre, et les députés pourront d'ici là poser de nouvelles questions.
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