lundi 15 novembre 2021

États-Unis et Turquie : ce n'est pas fini Les relations américano-turques sont tendues mais il est trop tôt pour parler de découplage.

Les relations américano-turques sont tendues mais il est trop tôt pour parler de découplage.




Le 31 octobre, le président américain Joe Biden et le président turc Recep Tayyip Erdogan se sont rencontrés en marge de la réunion du G20 à Rome, mettant fin à des semaines de spéculations sur la tenue d'un tel sommet. Plus tôt ce mois-ci, une crise diplomatique de courte durée avait montré à quel point les liens entre les deux pays étaient tendus.

L'ambassadeur américain à Ankara David Satterfield et neuf autres émissaires occidentaux avaient été menacés d'expulsion après avoir demandé la libération du philanthrope turc emprisonné Osman Kavala – un acte que le gouvernement turc considérait comme une ingérence dans ses affaires intérieures.

La réunion de Biden et Erdogan – leur deuxième cette année – a indiqué que les lignes de communication sont toujours ouvertes. Mais on ne peut nier que les relations turco-américaines sont au plus bas.

Du côté turc, la perception que les États-Unis sont un allié peu fiable et cherchent en fait à saper Ankara s'est accrue et a nourri l'anti-américanisme au cours des cinq à six dernières années. La décision de Washington en 2015 d'armer les forces kurdes en Syrie affiliées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qu'Ankara – et ses alliés occidentaux – considèrent comme une organisation « terroriste », et les allégations d'implication des États-Unis dans la tentative de coup d'État contre le gouvernement d'Erdogan en 2016 ont tous alimenté ce sentiment.

Du point de vue américain, la décision de la Turquie de renforcer ses liens avec la Russie a suscité des inquiétudes. L'achat par la Turquie de systèmes de défense S-400 de fabrication russe en 2017 a envoyé une onde de choc à Washington, qui s'est méfié de la résurgence de la Russie.

La livraison des armes avancées à Ankara en 2019 a déclenché des sanctions contre les responsables turcs en vertu de la loi sur la lutte contre les adversaires de l'Amérique par le biais de sanctions (CAATSA) un an plus tard. Plus important encore, cela a entraîné l'expulsion de la Turquie du consortium international derrière le développement d'une nouvelle génération d'avions de combat, le F-35. Les récentes déclarations d'Erdogan selon lesquelles le gouvernement turc envisage d'acheter un autre lot de systèmes de missiles sol-air S-400 ont encore plus exaspéré Washington.

Alors, avec toute cette tension entre eux, la Turquie et les États-Unis sont-ils sur le point de rompre ? Probablement pas. Ni Biden ni Erdogan ne font pression pour un découplage complet. En effet, le gouvernement turc espère conclure un accord avec l'administration Biden pour l'achat de 40 avions de combat F-16 et 80 kits de modernisation pour moderniser des avions militaires plus anciens. La Turquie tient à moderniser son armée de l'air qui est en grande partie composée de F-16. Il souhaite également récupérer l'avance de 1,4 milliard de dollars qu'il a versée pour le projet F-35.

Au moment où tous ses voisins, de la Grèce à la Russie en passant par l'Iran, améliorent leurs capacités militaires, la Turquie ne peut pas se permettre d'être à la traîne. Malgré toute la volonté d'affirmer son autonomie stratégique, Ankara reste tributaire de la technologie militaire occidentale. Elle est également attachée à l'OTAN qui, dans une ère d'incertitude et alors que la Russie renforce sa force militaire sur la rive opposée de la mer Noire, reste au cœur de la sécurité nationale. Pas étonnant que la majorité des citoyens turcs continuent de soutenir l'adhésion à l'Alliance.

L'affaiblissement de son économie nationale et la dépréciation rapide de la livre, qui a perdu 80 % de sa valeur au cours de la dernière décennie, mettent également en évidence la dépendance turque vis-à-vis des marchés financiers internationaux. Un scénario de divorce avec les États-Unis ne sera pas de bon augure pour la stabilité économique. Si les ambassadeurs avaient été expulsés et si une crise généralisée avec l'Occident s'était ensuivie, les investisseurs étrangers auraient cédé en masse des actifs libellés en lires, envoyant la monnaie en chute libre.

Les États-Unis ont également toujours besoin, selon les termes du secrétaire d'État Anthony Blinken, de son « soi-disant allié stratégique ». L'armée turque reste essentielle pour le flanc oriental de l'OTAN, où la Russie pose un formidable défi. La vente par la Turquie de drones Bayraktar TB2 à l'Ukraine, désormais déployés contre les séparatistes pro-russes sur le front du Donbass, démontre sa valeur stratégique.

Ankara a également soutenu toutes les initiatives de l'OTAN visant à rassurer les alliés en mer Noire, y compris des exercices réguliers et la rotation de navires de guerre des États-Unis et d'autres États membres du pacte. Enfin, le rôle de la Turquie au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, notamment en Libye où elle rivalise avec la Russie et en Syrie, est une autre raison pour Washington de ne pas bloquer Ankara. Il en va de même pour l'Afghanistan où Ankara n'a pas abandonné son projet de jouer un rôle dans la sécurisation de l'aéroport de Kaboul.

Les États-Unis et la Turquie opèrent dans une zone grise. L'alliance ne tient qu'à un fil, mais il est trop tôt pour prononcer sa disparition. Le transactionalisme est à l'ordre du jour et il est probable que les deux parties travailleront problème par problème.

Biden et Erdogan pourront donc coopérer de manière limitée au sein de l'OTAN. Un accord sur les F-16 n'est pas non plus improbable, malgré l'opposition au Congrès. Les États-Unis ne seront pas non plus ébranlés par une nouvelle opération turque en Syrie si les règles de déconfliction établies entre les deux armées sur le terrain.

source:https://www.rfi.fr/fr/

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